Il pourrait se promener les dimanches matin sur la « Batte » à Liège. Observer les gens, entendre leurs langages, renifler leurs parfums. Il ne juge pas, il n’apprécie pas.
La « Batte » à Liège ? Non, il s’agit du travail photographique de Earthsworld 1 mais qu’importe. Ces personnages captés à l’autre bout du monde sont-ils différents de ceux que nous croisons tous les jours ? L’homme de la rue n’est-il pas le même partout, en proie au questionnement sur l’existence, les prévisions météo, les matchs de football ? Aussi peut-être le rejet de l’autre, l’accueil aux migrants, les bouleversements climatiques, ... ?

Un regard que l’on pourrait qualifier de tendre sur les êtres qu’il croise. Saisissant les défauts ou, mieux, le caractère d’un visage, c’est l’histoire de la personne qu’il retrace et réinvente. Sondant l’intime au plus profond de son image en gravant ses traits singuliers avec son bic bleu, Pol écrit un scénario de vie improbable, un parcours qui aurait pu exister dans une autre vie, une histoire autre de ces anonymes, les rendant « du coup » pitoyables ou admirables, selon le regard qu’il nous propose de poser. Car en nous plaçant en spectateur de ces vies, n’est-ce pas la nôtre qu’il nous met au défi de scruter face à ce miroir indiscret ? Face à notre questionnement, c’est la rencontre avec l’intime, le parcours personnel de chacun qu’il interroge.
Pas de caricature donc car la caricature est l’exaltation du trait, mais la trace qui façonne le portrait et entraîne l’histoire dans l’histoire. D’ici et d’ailleurs, joyeux ou pathétique, c’est le compte-rendu sans jugement d’une humanité quelque peu déboussolée qui veut croire encore à son possible bonheur.
Né à Dinant en 1975, formé à l’Institut Saint-Luc de Liège où il enseigne à présent, Pol Hurion poursuit un parcours orienté pleinement sur la pratique du dessin mais qui s’ouvre désormais sur des techniques plus élaborées laissant augurer un bel épanouissement de son travail de chercheur, explorant des moyens de mieux en mieux maîtrisés.