Nadine Fabry
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« L’art, et rien que l’art !
C’est lui qui nous permet de vivre, qui nous persuade de vivre, qui nous stimule à vivre.
L’art a plus de valeur que la vérité ».
À la galerie du cinéma Churchill
Du 28 avril au 29 juin 2025
Nadine Fabry
Dans un atelier perché sur les hauteurs du Condroz liégeois, se trouve l’antre de Nadine Fabry. Une ancienne ferme avec des étables, un potager, des poules, une grange à foin et Bloche, un sympathique bouvier bernois. L’atelier domine les champs et regorge de trésors, peintures, sculptures, livres et travaux d’élèves. Il fait calme etnature dans cet environnement rural et tout respire la liberté et l’accueil. Les passions de Nadine sont innombrables et son ouverture au monde émerveille par sa pugnacité et sa force vitale.
Née dans une famille d’artistes, elle porte cette hérédité forte avec enthousiasme comme une forme d’énergie de vie. Ses parents l’ont encouragée à peindre, l’amenant tous les mercredis dès l’âge de 11 ans dans l’atelier de Paul Daxhelet, et l’image forte de son enfance est celle de sa grand-mère paternelle, Lucy Fabry (peintre de l’École liégeoise du paysage, disciple de Richard Heintz), artiste sensible dont Nadine parle avec émotion. Car c’est Lucy Fabry qui, veuve très jeune, fit l’acquisition juste avant la Guerre d’une maison à Stoumont, dominant la tumul- tueuse Amblève, lieu de toutes les créations sur le motif, que la famille rejoignait par la vallée et qui aujourd’hui encore est le berceau de l’inspiration de Nadine ; son refuge, une simple cabane, à la lisière d’un bois d’où elle contemple les couchers de soleil sur les vallons et villages voisins.
C’est à une peinture naturaliste que nous invite Nadine Fabry, faite de bois, de brou de noix, de fusain et d’encres, une peinture profondément ancrée dans l’humus des sous- bois, le silence des clairières, à l’écoute de la faune et dans l’espoir de la rencontre d’une laie et ses petits. On marche à pas feutrés et discrets dans cette campagne ardennaise, les seuls bruissements des feuillages et craquements de feuilles et branchilles accompagnent un errement salvateur et purifiant. Oui, l’Ardenne et le retour aux sources sont profondément ancrés en elle ; celle des collines boisées et de la Fagne de Spa, est le sujet du travail qu’elle nous invite à découvrir à la galerie du Churchill, comme une méditation profonde sur l’im- portance de la connexion à la terre.
On connaît de Nadine Fabry toute une palette de talents : peintre, illustratrice, dessinatrice dont les croquis de nus furent à la base de nombreuses compositions, directrice du CEC Atelier Graffiti, organisatrice de nombreux stages et formations en arts plastiques pour enfants et adultes, elle a abordé toutes les techniques en arts plastiques et continue à dispenser ses conseils et sa pratique à des adultes.
Et puis, comment ne pas évoquer son talent d’écriture ?
« Écrire, c’est l’idée de quelque chose à raconter qui m’emmène au fil du récit sans savoir où cela me mène…. », dit-elle. Elle attache beaucoup d’importance au travail d’écriture, qu’il s’agisse de ses albums pour enfants ou de ses romans, dont le dernier Nanas raconte une histoire de nanas, de celles qui gravitent autour d’elle, ses filles et petites filles, et des différentes femmes qu’elle fut, toujours avec l’âme de cette enfant volontairement différente, de la jeune fille indépendante et créative, imaginative et résiliente, qui explosait les barrières familiales, en recherche de sens et de décou- vertes. On sent l’aventurière, l’adolescente rêveuse et révoltée, la femme accomplie par ses maternités et son métier, les joies et les doutes, la mère et la grand-mère proche et soucieuse, bref, là où chaque personnage nous ramène à elle, à ses combats, à son identité fière.
Et dans ce tourbillon de vie et de créations, l’Ardenne l’apaise.
C’est un tout nouveau projet, bel opuscule intitulé L’aube du bois, écrit et illustré par ses soins et publié aux éditions Le Caïd, qu’elle présente à l’occasion de son exposi- tion. J’aime reproduire ici quelques lignes de Nanas, son roman qui nous emmène au Mexique, le pays de
la couleur et de la créativité : « …Une porte se ferme, une autre s’ouvre : la municipalité de San Cristobal lui a commandé une fresque murale. Et là, il rêve, cherche une idée. Exprimer oui, mais quoi ? Ce grondement sous sa peau comme un feu de tourbe. Peindre. Crier la puissance du vivant. Oui. C’est ça. Hurler la vie sauvage. Honorer la fascinante beauté des animaux qui y vivent. On y est. Laisser venir et il ne restera plus qu’à réaliser. Il la voit cette gigantesque tête de jaguar dans le feuillage luxuriant, et un peu partout parmi les formes , il tracera des motifs, des symboles, des glyphes, tous ces signes oubliés, transformés et redécouverts. L’art, n’est-ce pas manipuler les traits, les signes, les formes et les couleurs, pour changer les consciences ? ... » (Nanas, Éditions Chat Ailé, 2024, p.259)
Nadine Fabry n’a pas fini de nous emmener en voyage, c’est une sacrée nana….
Extraits de L’aube du bois
Extraits de L’aube du bois
« Et moi toujours moi dans une cabane de bois à l’aube du bois un tas de bois pour la flamme mes rêves de feu mes godasses fatiguées mes envies de cailloux foulés de rus enjambés de vent furibond mèches rebelles sous mon bonnet de laine et ces fades re- lents de métamorphose de crottes animales d’herbes écrasées d’écorces ambrées de tourbe noire d’épicéas abattus de mycélium de pierres de schiste et puis ces surprises de bruits furtifs dans mon dos la bergeronnette perchée et l’orvet serpent de verre sitôt aperçu aussitôt disparu ».
« Et là tout au bout l’horizon plan ultime d’un possible tableau ligne qui sépare le haut du bas et qui même souvent les réunit les englobe comme l’encre dans la marre à s’y perdre s’y noyer oui à l’immensité com- ment dire l’immense mariage des gris des bleus des roses ouatés et ces restes de vie abandonnés dans les plis des collines ces pourritures d’écorces de souches de poils de plumes et d’os ces creux tempérés cernés de taillis ces coins de sommeil pour le vent égaré pour la bête hagarde mulot lièvre ou le cerf et sa harde ou qui sait peut-être un loup ».